Du CSRD de l'UE aux informations sur le climat basées sur la TCFD du Royaume-Uni : notre vice-présidente de la finance climatique, Marie-Anne Vincent, se penche sur les détails des réglementations en matière d'information sur le climat.
Goldman Sachs a fait les gros titres en plaçant la barre plus haut en matière de rapports sur le climat et les facteurs ESG pour les entreprises de son portefeuille. Avec 2 500 milliards de dollars sous gestion, cette décision fait suite à une série d'annonces faites par les régulateurs et les concurrents en matière de rapports sur le climat.
Aux États-Unis, une proposition de mandat a été publiée en mars, tandis que les entreprises du Royaume-Uni ont publié pour la première fois ce mois-ci des informations sur le climat. Les normes mondiales d'information sur le développement durable sont également en route.
Comment les PDG, les directeurs financiers et les équipes financières peuvent-ils suivre le rythme ? Voici un guide qui vous aidera à vous y retrouver dans l'alphabet des réglementations relatives aux rapports sur le climat.
1. La Taskforce sur les informations financières liées au climat (TCFD) : Un terrain d'entente pour le développement durable des entreprises
📎TCFD en bref
Le cadre de la TCFD vise à intégrer le risque climatique et la résilience climatique dans les rapports financiers. Il couvre quatre piliers fondamentaux permettant aux entreprises de divulguer leur approche de la compréhension et de la gestion de l'impact du changement climatique sur leurs performances financières.
– La gouvernance : La gouvernance de l'organisation en matière de risques et d'opportunités liés au climat
– Stratégie : Les impacts réels et potentiels des risques et opportunités liés au climat sur les activités, la stratégie et la planification financière de l'organisation.
– Gestion des risques : Les processus utilisés par l'organisation pour identifier, évaluer et gérer les risques liés au climat.
– Mesures et objectifs : Évaluer et gérer les risques et les opportunités liés au climat
En 2021, plus de 2 600 organisations soutenaient le cadre de la TCFD, avec une capitalisation boursière combinée de 25 000 milliards de dollars. Ces organisations sont réparties dans 89 pays et juridictions différents, ce qui met en évidence le soutien mondial en faveur de l'information sur les risques climatiques. En outre, 1 069 organisations, soit près de 1,5 milliard d'euros, ont soutenu le cadre de la TCFD.41% de ces partisans de la TCFD sont des institutions financières, responsables de 194 000 milliards de dollars d'actifs.
🇬🇧 Le Royaume-Uni
Le Royaume-Uni a été le premier pays à inclure le concept de la TCFD dans sa politique réglementaire par l'intermédiaire de la Banque d'Angleterre. Il a introduit des exigences pour que les entreprises réglementées intègrent le risque financier climatique dans leur gouvernance et leur stratégie, la gestion des risques et la divulgation en 2019.
🏦 Banques centrales
Cette approche pionnière a depuis été approuvée par le Network for Greening the Financial System (NGFS), une alliance internationale de banques centrales et d'autorités de surveillance prudentielle à laquelle la Réserve fédérale américaine a adhéré l'année dernière. La Banque centrale européenne a introduit un ensemble similaire d'attentes prudentielles qui étendent le principe aux risques environnementaux et climatiques.
🇪🇺 L'Union européenne
L'Union européenne (UE) élargit également ses exigences en matière de rapports sur le développement durable. L'UE suit une approche systématique et centralisée de la transition climatique et de la publication d'informations sur le développement durable. Son régime réglementaire est étayé par la loi européenne sur le climat qui entérine juridiquement l'engagement de l'UE à respecter l'accord de Paris. Pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, les législateurs européens ont introduit une série de mesures réglementaires qui accéléreront l'allocation des capitaux vers les investissements verts.
Le Groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG) élabore actuellement les normes européennes d'information sur le développement durable (ESRS). Ces normes devraient faire partie de la législation européenne lorsque la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) sera adoptée et transposée en droit national d'ici le 1er décembre 2022. Les entreprises européennes devront alors fournir des informations contraignantes sur leurs informations de développement durable dans leurs rapports annuels pour l'exercice 2023, conformément aux ESRS. La CSDR améliore la directive de 2014 sur les rapports non financiers (NFDR) et cherche à améliorer la couverture et la fiabilité des rapports sur le développement durable.
Lorsque le CSRD entrera en vigueur en 2023, près de 50 000 entreprises européennes et basées en Europe divulgueront des informations sur le développement durable, soit quatre fois plus qu'aujourd'hui. La réglementation de la SEC, quant à elle, ne visera que les entreprises cotées en bourse.
🇺🇸 Les États-Unis
Le 21 mars 2022, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a annoncé une proposition de règlement sur les informations relatives au climat. La proposition de la SEC est la dernière d'une longue série de propositions basées sur le cadre de la TCFD qui ont vu le jour dans le monde entier.
🌐 Vers des exigences mondiales en matière de rapports
Il ne s'agit là que d'un petit aperçu des pays qui envisagent de mettre en œuvre des exigences en matière de rapports sur le climat et d'autres aspects du développement durable, tels que le Japon, Singapour, Hong Kong et Nouvelle-Zélande.
Ce nombre devrait augmenter à mesure que l'International Sustainability Standards Board (ISSB), nouvellement créé, publiera son nouveau référentiel mondial en matière d'information sur le développement durable. Le 31 mars 2022, l'ISSB a publié les exposés-sondages des deux premières normes IFRS de divulgation sur le développement durable (normes ISSB) pour consultation publique :
– IFRS S1: Exigences générales pour la publication d'informations financières liées au développement durable
– IFRS S2: Informations relatives au climat
L'ISSB a indiqué que son objectif était que l'ensemble des normes de l'ISSB, une fois finalisé, fournisse une base de référence mondiale complète en matière d'informations sur le développement durable, que les investisseurs des marchés financiers mondiaux pourront utiliser pour évaluer la valeur des entreprises.
La norme sur les exigences générales propose d'exiger que les risques et les opportunités liés au développement durable soient divulgués selon quatre thèmes : la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les mesures et objectifs. Il s'agit des mêmes 4 piliers que ceux utilisés par la TCFD dans le contexte climatique et qui forment l'architecture de la norme sur les exigences générales. Les règles de divulgation liées au climat proposées par la SEC en mars 2022.
2. Protéger la société ou protéger les investisseurs : Le concept de double importance
Les initiatives de l'ISSB et de la CSDR ne sont pas en concurrence et se sont engagées à coopérer. Mais les approches adoptées par l'ISSB et la CSDR sont très différentes.
💰 La matérialité unique ou financière sert les investisseurs (propositions de l'ISSB ou de la SEC)
L'ISSB affirme que sa norme de reporting d'entreprise répondra aux besoins des investisseurs. Elle se concentre sur la matérialité financière des risques ESG et climatiques susceptibles d'affecter les investisseurs.
🐾 La double matérialité au service de la société (CSRD)
Le CSRD va plus loin que l'ISSB en incluant la "double matérialité", c'est-à-dire l'impact d'une entreprise sur l'environnement et pas seulement la façon dont le climat affecte une entreprise.
La CSRD adopte également une approche beaucoup plus ambitieuse sur l'environnement au-delà du climat (par exemple l'eau et la biodiversité) et le social, appelant à une transition juste. Par exemple, l'approche environnementale de la taxonomie européenne garantit le respect des droits de l'homme derrière les principes "ne pas causer de dommages significatifs" et "garanties sociales minimales".
Dans une tentative apparente de jeter un pont entre la matérialité simple et la matérialité double, le résumé de la norme relative aux exigences générales de l'ISSB indique que "les informations relatives aux impacts et aux dépendances d'une entreprise sur les personnes, la planète et l'économie [seraient considérées comme matérielles] lorsqu'elles sont pertinentes pour l'évaluation de la valeur d'entreprise de l'entreprise".
3. Des différences mais un objectif commun
Nous pouvons déceler quelques différences dans les normes proposées, mais l'objectif principal reste le même : promouvoir le développement économique durable et empêcher l'écoblanchiment en créant des normes d'information contraignantes et comparables à l'échelle mondiale pour les entreprises.
Il est important de noter que les différentes normes prennent désormais en considération l'impact de l'entreprise sur sa chaîne de valeur comme une question environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) de plus en plus importante, et exigent la publication d'informations sur les risques matériels liés au développement durable dans l'ensemble de la chaîne de valeur d'une entreprise (émissions de scope 3).
Les entreprises seront tenues de divulguer leurs émissions absolues de gaz à effet de serre (GES) de scope 1 (émissions directes liées aux activités), de scope 2 (consommation d'énergie) et de scope 3 (provenant de leur chaîne de valeur au sens large), et elles devront calculer leurs émissions conformément à la directive sur les émissions de gaz à effet de serre selon la méthodologie du protocole GHG.
Les investisseurs attendent beaucoup des nouvelles normes de durabilité, car elles facilitent le processus de prise de décision pour les investissements futurs.
D'une part, les réglementations entraînent un surcroît de travail pour les entreprises en matière d'établissement de rapports. D'autre part, elles augmentent leurs chances d'obtenir des avantages concurrentiels en faisant appel à de nouveaux capitaux.
À l'approche de cette réglementation, les entreprises qui n'ont pas encore établi de rapports ESG devraient commencer à le faire dès que possible.